Le peu de mots
J’écoute les silences et je dissèque les mots.
J’ai appris à donner du temps aux uns et un sens aux autres.
Dans mon travail l’analyse des mots ne peut être dissociée de l’observation des gestes.
Un clignement d’œil, une chaise qu’on recule, des bras que l’on ouvre ou que l’on ferme, la peau qui change un peu de couleur. Ce sont pour moi des indications.
A cela s’ajoute bien sûr le son de la voix, son débit. Tous ces éléments m’aident à définir un mode de pensée et parfois (modestement) un trait de personnalité.
Je sais alors si je peux dire à mon tour et comment.
Je me lance alors sans crainte, avec une certaine facilité. Parfois je vise juste.
J’atteins ma "cible" avec dextérité.
Et parfois je me trompe. Lourdement.
Mais au fond ça n’est pas si grave.
J’ai dit, je me suis autorisée à le faire, le plus souvent avec délicatesse, et toujours en sincérité.
Je suis entrée en relation.
Il s’agit là de mon accompagnement, du monde très circonscrit du travail.
Dans la vie, les choses sont différentes.
Je ne sais pas dire, je n’ose pas dire, je ne dis pas, ou mal.
Au mieux, j’écris. Des lettres, des mails.
Je tente des confessions, j’ose des déclarations, j’expose ma colère, mon désarroi parfois.
Mais je ne dis pas.
Ou lorsque je le fais, je tape à côté, maladroite, béotienne de la formule.
Je me désespère de cette incapacité à faire passer mon message, à exposer ce qui me tient à cœur, me préoccupe, m’habite.
Et j’accumule.
Des regrets, de la rancœur parfois, de la colère souvent et des mots d’amour qui ne trouvent pas le chemin de la sortie.
Se créent alors des incompréhensions, des quiproquos, une grande frustration.
De la déception même.
Comme il est difficile de se rééduquer. Apprendre à s’exposer en vérité, prendre le risque d’être à découvert.