Faites le père
Je n'étais pas présente pour cette fête qui chez nous n’en n’a jamais été une.
Longtemps et encore aujourd’hui, j’ai été à l’affût de tes désirs, de tes envies pour t’offrir de beaux cadeaux. Pour te faire plaisir, secrètement pour t’éblouir.
De quoi s’agit il entre nous ? Ce n’est pas une histoire d’amour, cela ne l’a jamais été. Sans doute que cette aventure de père est arrivée trop tôt pour toi et en plus livrée sans mode d’emploi. J’ai bousculé un ordre établi, des habitudes, des représentations aussi. Je suis arrivée à un moment peu opportun, il y avait cette affaire à faire tourner, ton projet à réussir.
Nous n’avons jamais rien pu ou su créer, car j’ai été élevée ailleurs, par d’autres, dans un autre cadre et avec des valeurs différentes des tiennes. Un autre monde.
Et puis j’ai eu un père de substitution. Je ne sais trop comment l’appeler autrement. Un homme qui a su se rendre très présent dans ma vie. Un homme si opposé à toi. Un patriarche, un guerrier, un protecteur. Je me suis construite selon ce schéma, sans doute pas le meilleur qui soit, mais qui un temps m’a apporté l’amour et la stabilité dont j’avais besoin. Et surtout des repères.
Je dirai qu’il a contribué de bien des façons à faire de moi la femme que je suis aujourd’hui.
Toi et moi nous n’avons jamais communiqué, partagé. Sinon des rancoeurs, des incompréhensions, de la tristesse. Je le dis en toute franchise, j’ai souvent souhaité que vous vous sépariez pour rompre cette pesanteur familiale. Aujourd’hui je me dis que c’est bien que vous soyez encore ensemble. Je sais les tempêtes traversées, je sais ce qui vous uni, les liens qui malgré tout cela sont restés solides.
Nous ne savons pas grand chose l’un de l’autre. Sans être étrangers, nous sommes pour l’autre une énigme. Je sais pourtant ce que je porte de toi en moi. Longtemps j’ai rejeté ces traits de caractère qui me faisaient horreur. Aujourd’hui, je travaille à les regarder avec bienveillance, à les dépasser.
Je regrette souvent cette relation gâchée. Mais j’ai renoncé, après bien des souffrances. J’ai renoncé à avoir la deuxième place que j’ai toujours rêvé d’avoir, la deuxième place dans ton cœur, juste derrière celle de ma mère. Je n’ai que la troisième, derrière ta mère, puis derrière la mienne… En disant cela, j’ai tout dit de notre histoire.
Je ne suis pas certaine d’avoir fait le deuil de cette relation qui n’a jamais été, qui ne sera jamais et qui me manque parfois cruellement. Je sais que j’ai encore bien des choses à régler, même s’il me semble que mon cœur a pardonné bien des actes, des mots qui résonnent encore dans ma tête, des absences.
Sans doute que devenir père est un métier qui s’apprend. Il s’apprend d’autant mieux que l’on a eu un bon exemple. Ce qui n’a pas été ton cas. A moins que ce soient les enfants qui font les pères ? Difficile pour moi de répondre…
Bonne fête Papa.