Puzzle-portrait
J’ai les cheveux bruns de ma grand mère paternelle. Laquelle n’a cessé toute sa vie de les teindre en roux (à partir de 65 ans, ils furent rouges…). Quant à moi, depuis mes 16 ans, je suis une accro au « noir bleuté », sans doute pour me rapprocher des noires tignasses de mes ancêtres italiennes.
J’ai les yeux bleus de mes parents et de mes grands parents maternels. Avec une particularité cependant, une petite tâche marron au fond de l’œil droit. Je suis la seule de la famille avec ce signe distinctif. J’aime bien.
J’ai le cil chargé et long de mon père, que j’aime à habiller de mascara épais. Il en est de même des sourcils, que j’ai mis quelques années à dompter et qui aujourd’hui gentiment ne sortent plus des rangs.
J’ai la peau de ma mère et de ma grand mère maternelle. Une peau constellée de grains de beauté et sur le visage de tâches de rousseur qui se multiplient avec le soleil.
J’ai la bouche fournie de ma mère. Une bouche qui se tord selon l’humeur et que je peins de rouge parfois. Fascinée que j’étais enfant par le geste sûre de ma grand mère paternelle et par le cérémonial auquel elle se prêtait chaque jour. Je me rappelle les odeurs de la poudre de riz, je revois l’épaisseur du rouge à lèvres et je me remémore les pinceaux et autres « pâtes » à estomper.
J’ai la poitrine opulente de ma grand mère paternelle et de mon arrière grand mère du même côté. Une poitrine « à l’italienne ». Longtemps je l’ai reniée, camouflée. Avant de me réconcilier avec elle (un peu), pour aujourd’hui en être un peu gênée à nouveau. Nous avons ensemble une histoire chaotique, difficile faite d’amitié et néanmoins de répulsion.
J’ai les mains fines et allongées de ma mère. Des mains souvent détestées à cause des ongles rongés pendant de très longues années. Avant d’assumer le vernis à ongles et par les mains, me sentir un peu plus femme.
J’ai les pieds dodus de mon père, des pieds que j’aime beaucoup, allez savoir pourquoi. Sans doute parce qu’ils sont les garants de l’équilibre de tout l’édifice, parce qu’ils me font avancer à mon rythme, un peu lent, pas toujours assuré. Ensemble nous avançons tranquillement, malgré tout. Je leur suis redevable de beaucoup de choses, alors je les bichonne au mieux. Crème, peeling, massage, vernis de couleur…
Je suis grande et carrée comme mon grand père paternel. Pas suffisamment grande à mon goût, j’aurais aimé atteindre la taille magique à mes yeux des 1 m 75. Je fais 3 cm de moins, à mon grand désespoir.
Mon corps est le résultat final de ces additions familiales. D'héritages parfois assumés, parfois reniés.
Un puzzle qui fait qui je suis. Bon gré, mal gré…
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