Talk Talk
J’étais une enfant bavarde.
Mes bavardages étaient savamment entretenus par une personne qui a fait de moi l’unique objet de sa préoccupation, une seconde maman qui m’a élevée comme sa propre enfant, et qui grâce à moi je crois à pu s’extraire de son quotidien de femme étrangère et expatriée.
J’étais son « objet » d’intégration, une raison de vivre.
Puis, j’ai vécu un moment traumatique qui m’a fait glisser vers un autre monde : l’entrée à l’école. J’ai basculé d’un statut d’enfant unique choyée dans un univers d’adultes, de petite copine d’un cercle très réduits d’enfants de quartier dans la jungle annihilante qu’est l’école.
Parallèlement, je suis revenue vivre dans le clan familial et alors j’ai appris à me taire par commodité.
Pour m’effacer.
Depuis lors, je n’aime pas parler. Je n’ai plus aimé.
J’écoute, je tente de le faire au mieux (comme j'ai appris dans mon métier), je me concentre pour ne rien trahir, dénaturer, interpréter, pour respecter la parole et la pensée de mon interlocuteur.
Je considère avec une sorte de religiosité que la parole est précieuse et qu’il bon de l’utiliser à bon escient.
Mais à force de pratiquer la retenue, ou la catharsis par l’écrit, je me rends compte à quel point plus rien ne sort. Les sentiments sont captifs quelque part dans un tréfonds insoupçonné.
Le passage est bloqué. La parole ne demande qu’à être dégagée mais souvent lorsque les mots arrivent enfin, lorsqu’ils prennent la forme tant désirée, ils sont fades, dénués de sens, infidèles à ma pensée.
Je hais ce filtre qui fait barrage.
Pourtant j’aurais tant à dire, tant à célébrer, tant à partager et à libérer.