En deux venir
Nous allons dans ce restaurant que j’affectionne tout particulièrement. Un endroit simple, dans lequel on mange une cuisine traditionnelle, raffinée, toujours inventive.
Un lieu où l’on se sent un peu comme à la maison. On réserve en donnant son prénom et la patronne a ceci de magique, qu’elle donne les plats de sa carte comme si elle récitait un conte. Un cadre propice au partage...
Nous y allons tous les 2, sa femme nous rejoint.
Il y a 5 ans qu’ils sont ensemble.
Un enfant, un deuxième à venir, une maison refaite de leurs mains.
Cinq ans cela me semble si peu… Pourtant, à les voir et les entendre, j'ai la sensation qu’ils portent lourdement ces 5 années.
Déjà des habitudes de vieux couple, des remarques que je trouve cinglantes, des reproches, des regards qui ne racontent plus rien, sinon l’exaspération, la lassitude peut être. Les différences sont là, marquées entre eux. Tristes à voir pour la spectatrice que je suis. Douloureuses.
Je pense à nous.
Le nous que nous formons depuis peu de temps. Que petit à petit nous construisons.
Je pense à ce que nous renvoyons à nos ami-es, notre famille, « aux autres », lorsque nous sommes en leur présence, ce qu'ils perçoivent de nous.
Je pense à ces automatismes qui se mettent en place, sans que l’on s’en rende compte, certainement.
Je me demande si,
lorsque j’irais me repoudrer entre la poire et le dessert, tu choisiras pour moi. Arguant que tu me connais bien et que je prends toujours la même chose ?
je te couperais la parole pour finir tes phrases, comme ces couples qui ne s’écoutent plus, ne s’entendent plus, comme s’ils savaient déjà tout de l’autre ?
lorsque tu me regarderas, dans deux, trois ou quatre ans, je verrai toujours la petite étincelle qui me met des papillons dans le cœur parfois ?
tu me prendras toujours la main, si tu oseras encore m’embrasser en société dans cinq ans, avec la même fougue ?
Je les ai regardés et j’ai réfléchi à ce que les relations deviennent avec le temps. Les relations d’amour et les autres.
Je les ai contemplés, de loin, comme on regarde un tableau qui ne nous touche pas, ne nous atteint pas. Un tableau dont on se détourne pour être sûr qu’il ne s’imprègne pas en nous, pour que l’on n’en garde pas trace.
Parce que nous ne sommes pas eux.
Je le sais.
Parce que nous nous découvrons encore l'un l'autre, nous nous regardons, nous nous écoutons, nous nous parlons avec toute la douceur dont est empreinte notre relation.
Nous sommes 2, chacun porteur de son unicité. Nous avons l'un pour l’autre cette indéfectible considération.
De l’amour…
Et je ferai tout pour que ça dure.