Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cloudy au pays des Nuages
Cloudy au pays des Nuages
Publicité
Archives
13 octobre 2008

Un corps habité

Juillet 2004

Nous sommes tous réunis, la famille aimée, les cousins, les petits.

Notre cercle.

Nous prenons des photos, pour le souvenir.

Je les fuis, comme une sorte de malédiction. Les photos sont le révélateur pour moi d’une vérité douloureuse, d’une confrontation avec ce que je suis, ou plutôt, ce que je ne suis pas. Mais je n’y échappe pas. « Pour les enfants » me dit-il.

C’est un véritable effort qu’il me demande de produire là mais c’est pour les enfants, alors…

Cette photo change le cours de mon existence.

C’est un électrochoc.

J’avoisine les 80 kg. Tout déborde. Les bras, les jambes, les joues, les seins, les bourrelets. Tout ce que je me suis refusée à voir si longtemps, est là, hurlant sous mes yeux.

Je ne suis pas qu’un cerveau, je ne suis pas qu’une tête qui pense, qui délimite, qui pose des barrières, qui marque des distances. Je suis aussi un corps. Et ce corps là, si longtemps nié, si longtemps maltraité, c’est le mien.

Septembre 2004

Le marathon commence. Un régime drastique, une thérapie, des séances de massage. Pour perdre du poids, pour renouer avec des sensations, pour traiter les troubles alimentaires et pour finir, des séances de marche. Mon corps change. Mon esprit, le regard que je pose sur moi pas encore.

Je perds 15 kg. Je change de garde robe, je tombe dans d’autres troubles alors. Des dépenses inconsidérées pour m’acheter des fringues et être. Etre une vraie fille. Qui met des jupes, qui rentre dans des vêtements de filles, qui assume enfin ses seins, qui ne se fait pas jeter des magasins pour vraies filles (tenus par de vraies connes).

Les regards posés sur moi changent eux aussi. Pour la famille, les amis, je deviens « courageuse », « belle », « changée ». Certaines de mes « amies » ne souhaitent plus faire les boutiques avec moi (heu, je ne fais définitivement plus rien avec elles !) et puis bien sûr, le regard des hommes, voire même de certaines femmes se modifie lui aussi.

Une drôle de période que celle ci. Des moments décalés, schizophréniques. Je me sens moi, néanmoins il semble que pour les autres je ne le suis plus tout à fait.

Octobre 2008

Sur ce parking, en face des montagnes du Galibier, vidée par 5 heures consécutives de marche, le corps, chacun de mes membres endoloris et engourdis, je mesure le chemin parcouru.

Les heures de marche infligées, les groupes de paroles, les spécialistes… Finalement, tout cela n’aura pas été vain. Au fur et à mesure, je m’intègre à nouveau. J’accepte tout doucement ce corps qui jusqu’alors me faisait violence.

La « maladie » n’est pas tout à fait vaincue, certes, mais conscientisée et finalement acceptée. Je ne suis pas encore une adepte de la bienveillance mais je tente de la restaurer peu à peu. J’ai encore des réflexes « d’ancienne grosse », des pensées parasites parmi lesquelles la certitude bien ancrée que ces formes là ne pourront jamais être aimées…

Mais ce corps là, je commence à bien l'apprivoiser, enfin l'habiter.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
> Kloelle<br /> Ce jour là, ce sera un grand plaisir de partager "ça" avec toi.
K
Un jour il faudra que je te raconte...
C
> Michel<br /> Un régime drastique d'un an, du sport, le soin de mes tocs. Tout ça conjugué, je pense.<br /> Je sais que je devrais toujours faire attention, me surveiller de près, sous peine de "replonger"...<br /> > Nat<br /> Merci :))
N
Très joli post, dur, douloureux mais porteur d'un superbe message d'espoir...<br /> <br /> La phrase à retenir : "je m'intègre à nouveau" magnifique...<br /> <br /> bye nat
M
Formidable, cette confidence : tu oses parler des choses douloureuses, de ton aspect, de ton corps, et au-delà de ton esprit, de ta personne. C'est là un pas énorme vers la "guérison".<br /> Ne pas redouter le regard d'autrui, c'est accepter son propre regard.<br /> Mais dis moi, Cloudy, comment t'y étais-tu prise pour atteindre ce poids ?
Publicité