Message in a bottle
Elle a glissé cet article de journal dans ma boite aux lettres. Comme elle le fait souvent.
« Parce qu’un jour, il sera trop tard, et tu le regretteras ». Il y a encore 2 ou 3 ans, j’avais "tout le temps devant moi". Maintenant, j’ai passé un cap. Il sera bientôt trop tard. Normal, j’ai dépassé l’âge où elle m’a eue. Je sais que c'est angoissant pour elle. Cette fois, l’article concerne une association catholique de rencontres. « Je sais bien que tu n’es pas catholique, mais je pense que cela pourrait t’aider. Je t’aime. Maman ».
Il y a quelques mois de cela, j’en aurai pleuré, je me serai mise en colère. Plusieurs fois d’ailleurs, cela m’est arrivé de réclamer le droit de gérer ma vie comme je le souhaite, sans qu’il y ait sans cesse des ingérences. Comme si affronter les Autres, n’était pas suffisant. Lorsque je dis les Autres, il s’agit de la société culpabilisatrice, des campagnes de pub pour les ceux qui sont à deux, les collègues de travail qui ne comprennent pas toujours que les conversations répétées sur les exploits de Junior n’est pas forcément trépidante pour nous. Je ne parle pas de la famille avec ses remarques plus ou moins délicates : « Tu es la dernière maintenant » (sous entendue, à n’être pas casée), ou ses questions cons (florilège choisi) « Tu n’as pas envie toi aussi d’un petit mari ? », « Et les enfants tu n’y penses pas ? Non parce qu’à ton âge… » (sous entendu, tu seras bientôt une vieille peau…). Je n’oublie pas non plus les collègues, qui pensent que les conversations répétées sur les frasques du petit dernier sont toujours follement trépidantes.
Mais ce qu’elle me renvoie, c’est sa souffrance à elle. Celle de n’avoir pas de petits enfants d’abord, celle de penser qu’à leurs morts à eux, je devrai affronter cela toute seule. Elle ne pense pas à mal, bien sûr. Mais malgré moi, cela m’atteint toujours un peu. Puisque l’évidence est là, je suis seule.
J’ai fait avec cet article, comme avec les autres, je l’ai jeté, sans même l’avoir regardé. Si elle savait seulement…