Mémoire vive
Le mois prochain, cela fera un an que tu es parti.
Cette semaine, je me suis autorisée à demander à ce que ce soit mon nom qui apparaisse sur le téléphone et non plus le tien. Certains collègues étaient gênés.
Cette semaine, je me suis autorisée à l’investir ce bureau. Complètement, à y mettre des choses de moi, de mon univers. Jusqu’alors, il me semblait qu’il devait encore t’appartenir un peu. D’ailleurs, longtemps, j’ai eu du mal à dire, « je suis dans mon bureau ». Je disais au début, « je suis chez Philippe » ou bien « je suis dans le bureau du fond ».
Il y a des choses que je ne peux pas partager, de peur que l’on me prenne pour une folle. Que l’on trouve cela exagéré. Pourtant, il m’arrive de penser que tu es encore avec moi parfois dans ce bureau. Qu’il y a de ton âme, qu’elle m’accompagne. Je te revois trônant là. Dans ce bureau, où la fenêtre était toujours ouverte au petit matin, il y faisait toujours trop froid pour moi. Tu t’y enfermais les derniers temps. Je te voyais arriver le matin et repartir le soir, nous n’avions fait que nous croiser dans la journée. Sans plus échanger.
Tu m’as dit quelques temps avant ta mort, que ton retour au travail avait été difficile pourtant il avait été rendu plus léger grâce à notre présence à tes côtés. Au moins, nous aurons réussi cela, collectivement.
Aujourd’hui, certains de tes suivis me reviennent. Et on prend soin de me dire qu’il s’agit des « anciens suivis de Philippe ». C’est écrit sur mon planning, comme pour me rappeler qu’il y a eu quelque chose avant, avec toi.
Je voudrais que tu saches que je ne t’oublie pas. Que tu restes vivant pour moi. J’ai gardé ton ancien carnet de contacts, planqué au fond d’un tiroir, j’ai pensé le rendre à ta famille. Et puis je me suis résolue à le garder.
Pour qu’il me reste de toi là, sous la main.