Dark words
Depuis lundi, je me demande comment je vais mener cet entretien.
Ce que je vais lui dire, comment je vais poser les choses.
Pour qu’il entende, pour qu’il prenne acte, qu'il avance dans son projet.
Posément, dans le respect de ce qu’il est, de ce qu’il vit actuellement.
Je tourne et retourne dans ma tête, je prends conseil.
Et je me dis que je verrai bien.
Il arrive avec du retard, comme d’habitude.
Sous son gros manteau, il est en tee shirt et en nage.
Quelque soit la saison, d’ailleurs, il est toujours en nage.
« Les médocs ».
Je pose ma question rituelle, ma question imbécile «Comment allez vous aujourd’hui ?»
« Mal, très mal, comme d’habitude, pire que d’habitude ».
Je sais alors que nous ne parlerons pas de ce que j’avais prévu.
De l’emploi, de ce pour quoi il est venu me voir, tout au début.
Quelque chose s’est passé.
L’extrême tension est palpable.
Il est en colère, les yeux noirs, ses mains tremblent.
Il quitte le manteau et sur les bras les stigmates.
Des brûlures, des scarifications.
Il égrène la journée, il raconte.
Séchement, avec froideur.
La violence, la violence subie et celle qu'il retourne contre lui.
"Pour pas faire un carnage"
Maintes fois, je l’ai renvoyé vers son psy pour qu’il dépose ses souffrances, ce qui le torture et que je ne peux pas recueillir.
Aujourd’hui, j’écoute.
Pourquoi, je n’en sais rien.
Plutot si, la peur du carnage.
Parce qu’il me dit ne pas être allé voir son psy cette semaine.
Parce qu’il sait qu’il va « péter un plomb, violent ».
Parce qu’il me dit avoir déjà fait 6 tentatives de suicide (« même ça, je suis incapable de le réussir »)
Parce que « rien ne me fait moins peur que la mort ».
Je suis désarmée.
Je lui en fait l’aveu.
Il se lève alors et je le laisse partir avec sa rage et des yeux pleins de larmes.
Désarmée oui...