Occupation des lieux
Ils se sont installés depuis presque un an.
Confortablement.
Ils sont au nombre de 8, disséminés, de ci de là.
Sur les hanches, les cuisses, les seins.
« Mes » kilos.
Ils me viennent d’apéros en amoureux ou entre amis ou toute seule, de dégustation de chocolat entre collègues, de repas-compensation pris devant la télévision, des jours de stress ou de chagrin.
Je les ai laissés venir, sans trop m’opposer il est vrai.
Lasse de 20 années de régime, de combat contre moi, de restrictions, de phrases assassines pour louer mon manque de « motivation ». Fatiguée de ces repas pré-établis 4 biscottes le matin, viande le midi, poisson le soir ou inversement, dessert 1 à 2 fois par semaine, légumes cuits, accompagnés d’un peu de féculents, pas de pain… J’en arrête là avec la longue liste des « indications » et « interdictions », d’infinis contrôles.
Je contemple tout cela aujourd’hui avec une certaine désolation il est vrai. Je retrouve mes vieux démons de « grosse », la transpiration excessive, la difficulté à reprendre ma respiration dans certaines situations…
Par ailleurs, j’ai regagné une taille, en haut, comme en bas. Je suis désolée de voir mes seins qui débordent, mes cuisses striées de vergetures. J’ai renoué avec des magasins dans lesquels je mettais jurer de ne plus jamais remettre les pieds, certes beaucoup plus économiques mais qui pour moi sont synonymes d’échecs.
Les vêtements grandes tailles, appelons les ainsi avec pudeur, sont soit très chers, soit très laids et surtout tout sauf féminins. Je suis habitée parfois par un grand sentiment de honte et d’échec. Après ces plus de 15 kg perdus il y a 5 ans, je me sentais femme, vivante, être. Devoir remiser des vêtements aimés, beaux (qui m’ont coûté un œil), contempler son corps difforme, être gênée dans certains mouvements, tout cela m’afflige, me rend triste. S’il n’y avait eu cette vendeuse rassurante dans ce magasin, à ma sortie de cabine, lorsque je lui ai dit dans un demi-sourire que ça « n’était pas mon jour », mes larmes auraient dévalé mes joues dans un flot interminable.
J’ai beaucoup lu sur la question (et notamment le très bon « Les kilos émotionnels » du Dr Clerget), je me suis allongée quelques années durant sur un fauteuil pour comprendre. Il me semble avoir compris. Le pourquoi du comment et du parce que.
Et après quoi ?
Peut être faut il juste accepter, dans l’attente que ça change, que cela redevienne « comme avant » ?
Je tente de ne plus m’auto flageller, de me regarder et me traiter avec bienveillance et respect. Car au fond je sais que la personne la plus critique envers moi… ça reste moi.
Il n’en demeure pas moins que la petite musique intérieure, si caractéristique, fait encore trop souvent son œuvre et je sais qu’il me faudra encore du temps pour la faire taire complètement.