Foggy days
Tout allait bien, enfin le pensais-je, je me sentais de bonne humeur. J’ai posé le pied par terre et comme les autres jours un grondement sourd s’est fait entendre dans ma poitrine, je suis allée chercher loin un souffle que je n’arrivais pas à prendre, j’ai légèrement vacillé sur mes jambes et enfin dans ma tête comme un éboulis.
J’ai su que je n’irai pas.
Impossible d’aller travailler.
Lorsque j’ai expliqué le long processus qui s’est mis en place depuis plus d’un mois en mon intérieur, mon médecin m’a ordonnée l’arrêt.
Un arrêt salvateur, dont je lui suis gré.
Je ne sais trop comment remettre de l’ordre dans cette anarchique entropie, quelle voie emprunter, quelles décisions prendre. Je sais juste que j’ai mal et que mon corps se fait l’écho de ces luttes intérieures.
Il me semble être à une charnière, qu’une mue doit s’opérer aussi violente soit elle pour passer à autre chose. Me confronter à mes blessures pour les panser et m’en délivrer. Mais je ne sais pas comment faire, je n’ai pas les clés. Ni de lecture, ni d’action.
Je pleure une amitié définitivement fanée. Une histoire de fraternité, construite 30 années durant. Il me manque aujourd’hui sa présence, sa voix, son écoute, son regard. J’ai du mal à faire sans elle, je n’ai pas de mots pour dire le manque, l’espace laissé, béant. Je mesure à quel point elle a été importante dans ma vie, à quel point elle est ma seule Amie.
La seule à tout connaître de mon histoire, de mon intérieur. Celle qui savait, parfois avant même que je ne sache. Celle qui a accueilli le rire et essuyé les larmes, celle qui a aidé à monter les murs de mes projets et à enterrer mes illusions perdues, celle qui a balayé les craintes et les peurs. Mon âme sœur.
Je regarde mes liens familiaux avec désolation et tristesse. Je suis peinée de voir à quel point il n’y a rien de vivant entre nous. Un week end offert pour la fête des pères, un soir de match de foot ? Il ne remercie pas par une bise attendue, mais attend le lendemain, pour juger le cadeau trop onéreux et inutile. Cela lui a-t-il fait plaisir, a-t-il été touché par la carte qui accompagnait le cadeau ? Je ne sais pas.
Il y a tant d’exemples et de situations qui me mettent en colère… Je suis aujourd’hui, alors que j’ai tant nié cet état de fait, dans la peau de la petite fille qui attend une ultime reconnaissance, un soubresaut d’amour. Je sais aujourd’hui que je n’ai jamais fait le deuil de cette non relation paternelle et qu’il faudra tôt ou tard que j’engage ce douloureux processus avant de mettre en danger d’autres relations auxquelles je tiens.
Enfin et pour finir, je sais, si je dois continuer à exercer mon métier en sérénité et dans mon équipe, que je dois abandonner quelques idéaux. Esprit de groupe, équité, autant de mots qui sonnent fort à mon oreille, qui sont comme autant de valeurs, les fondements même de ma pratique. Mais qui ne sont pas ou qui ne sont plus dans mon orbe professionnel. Chacun sert ses propres intérêts au détriment du collectif. Je dois apprendre à m’assouplir, à prendre du recul, à investir ma vie personnelle et délaisser un peu mes velléités professionnelles.
Car ce ne peut être qu’ainsi. Il me faut maintenant avancer. D'un grand bond.
Elle m’a dit qu’elle me sentait dépressive. En mon for intérieur, j’ai su que c’était vrai et j’ai pleuré à l’entendre…